Canada : lutter contre les paradis fiscaux et renflouer les coffres de l’Etat

Pour lutter contre les paradis fiscaux, le Canada pourrait faire mieux et davantage. En effet, de mesures simples, telles des pénalités fiscales et la suppression de fiducies de revenu non imposable pourraient être mises en place dès aujourd’hui, selon le collectif Echec aux paradis fiscaux (EPF), qui y voit un moyen efficace de renflouer les coffres de l’Etat, sans avoir à taxer, à supprimer ou à réduire les services.

Canada, lutter contre les paradis fiscaux et renflouer les coffres de l’EtatProposer des solutions concrètes pour lutter contre l’érosion des assiettes fiscales

Ce collectif d’organisations est notamment formé de la FTQ, de la Centrale des syndicats du Québec, du syndicat de la fonction publique, de l’Union des consommateurs et des Amis de la Terre. Le collectif appelle le gouvernement Harper à s’attaquer au problème de l’évitement fiscal, en mettant en avant sept recommandations. Pour la première fois, l’EPF fait appel au professeur en droit fiscal de l’Université Laval André Lareau et au chercheur du réseau pour la justice fiscale Alain Denault, pour proposer des solutions concrètes, dans la lutte contre l’érosion des assiettes fiscales, tant au niveau fédéral que provincial. Selon Statistique Canada, au moins 170 milliards de dollars auraient échappé au trésor public canadien en 2013, en raison des fonds placés par les grands détenteurs de fortune à l’extérieur du pays.

Atteindre le déficit zéro : privatisation des sociétés d’Etat pour redresser les finances publiques

Dans un contexte où les gouvernements souhaitent atteindre le déficit zéro ces prochaines années, M. Lareau et M. Denault souhaitent sortir du sempiternel dilemme où l’Etat doit, soit augmenter les taxes et les impôts des contribuables dans le but de renflouer ses coffres, soit diminuer les dépenses en réduisant les services publics. M. Denault propose même de privatiser les sociétés d’Etat, afin de redresser les finances publiques.

Comme ont fait les Etats-Unis…

En outre, M. Lareau et M. Denault proposent également la modification des régimes de divulgation volontaire, en incluant des pénalités, comme l’ont fait les Etats-Unis, avec leur programme Offshore Voluntary Disclosure Initiative et le Stream Line Program. Avec ses programmes en effet, des dizaines de milliers de contribuables américains ont accepté de dévoiler leurs avoirs, et de payer des pénalités variant de 20 à 27,5%, de peur d’être pris en flagrant délit et de payer de plus grandes pénalités. Ces deux experts soutiennent qu’Ottawa devrait aussi mettre sur pied de tels programmes, qui seraient accompagnés de pénalités dont les taux varieraient de 0 à 30%. Or, aucune pénalité ni peine d’emprisonnement n’est pour le moment prévue par le programme de divulgation volontaire canadien. Selon eux, le manque d’effectifs à l’Agence du revenu du Canada empêche également de mener des enquêtes plus serrées sur les ressortissants canadiens présents dans des paradis fiscaux.

Des milliards perdus dans les paradis fiscaux

Les deux experts invitent le gouvernement Harper à rejoindre le projet BEPS ou Base Erosion and Profit Shifting, de l’Organisation de coopération et développement économique. Les pays du G20 se pencheront sur ce projet qui vise à prendre en considération les problèmes fiscaux causés par l’économie numérique, en juin prochain.

Ils suggèrent également de revoir les conventions visant l’élimination de la double imposition de revenu, signées avec des pays où les taux d’imposition des particuliers ou des sociétés sont quasi nuls. Selon ces deux spécialistes, le Canada est en partie « l’architecte de son propre malheur », si le pays perd chaque année des milliards dans les paradis fiscaux.

Enfin, « le Canada devrait arrêter de faire trois choses et commencer à faire deux choses », selon M. Denault. « Il devrait arrêter de rendre légaux les paradis fiscaux, de favoriser leur essor, et de les imiter. Il devrait plutôt pénaliser les fraudeurs et refuser de cautionner les pays réputés pour être des paradis fiscaux, en signant des accords et des conventions fiscales avec eux ».